Les convois de véhicules pro-russes suscitent l’indignation en Allemagne

En conséquence, certains Russes ont organisé des manifestations “contre la russophobie” sous forme de convois de véhicules à travers le pays, qui compte la plus grande diaspora russe de l’Union européenne.

Mais ces manifestations ont suscité des réactions négatives, beaucoup les interprétant comme une manifestation de soutien à l’agression militaire de la Russie en Ukraine. Christian Freier, 40 ans, a reçu des centaines de menaces de mort par jour depuis qu’il a aidé à organiser un convoi de véhicules de 400 personnes à Berlin le week-end dernier, ainsi que des images de cadavres brûlés et mutilés.

Te site web de son atelier de réparation de voitures a été piraté et sa cote en ligne a chuté.

“Ma vie est un enfer”, a déclaré Freier, qui a la double nationalité russe et allemande.

La manifestation a été largement pacifique et apolitique, bien qu’une femme ait été arrêtée pour avoir affiché la lettre “Z”, un symbole de soutien à l’armée russe et désormais interdit à Berlin.

“Mon but était seulement de protester contre l’agression quotidienne subie par les Russes en Allemagne”, a déclaré Freier, refusant de répondre à toute question sur le conflit lui-même.

Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine en février, 383 crimes anti-russes et 181 crimes anti-ukrainiens ont été officiellement signalés à la police allemande.

L’Allemagne compte environ 1,2 million de Russes et 325 000 Ukrainiens, auxquels s’ajoutent plus de 316 000 réfugiés arrivés depuis le début du conflit.

Le défilé de la honte

“Toute guerre est affreuse et ne peut jamais être justifiée”, a déclaré René Hermann, 50 ans, qui a également aidé à organiser le convoi de Berlin. Hermann a déclaré à l’AFP qu’il n’avait “aucune position” sur le conflit en Ukraine, mais loin du regard des journalistes, il tient un blog sur le réseau social Tiktok avec des milliers d’abonnés.

Son compte a récemment été suspendu après qu’il ait diffusé à plusieurs reprises de la propagande pro-Kremlin, notamment des allégations selon lesquelles Kiev aurait mis en scène un massacre “pour manipuler la pensée occidentale”.

“Les motifs de participation à ces manifestations sont très divers”, a déclaré Jochen Toepfer, sociologue à l’Université Otto-von-Guericke de Magdebourg et expert de la société russe.

“Elles étaient organisées comme des manifestations contre la discrimination en Allemagne. Mais il y avait certainement aussi des fans de (président russe Vladimir) Poutine, ainsi que des personnes qui n’aiment pas nécessairement Poutine mais ne veulent pas voir leur pays discrédité, malgré la guerre”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Bien qu’elle ait été annoncée comme apolitique, la manifestation de Berlin a provoqué une vague d’indignation en Allemagne, le quotidien Bild la qualifiant de “parade de la honte”.

“Pour l’amour du ciel, comment pouvez-vous autoriser ce convoi de la honte en plein Berlin ?”, a demandé l’ambassadeur ukrainien en Allemagne, Andrij Melnyk, à la maire de Berlin, Franziska Giffey. Giffey a répondu qu’elle comprenait sa colère mais qu’elle ne pouvait pas pénaliser les gens qui ne faisaient que brandir des drapeaux russes.

Une guerre importée ?

Les autorités de sécurité “surveillent de près dans quelle mesure les citoyens russes, mais aussi ukrainiens, sont en danger en Allemagne”, a déclaré la semaine dernière la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser.

“Nous devons faire très attention à ce que cette guerre ne soit pas importée dans notre société”, a-t-elle ajouté.

Il est peu probable que cela se produise, selon Tobias Rupprecht, chercheur postdoctoral à l’Université libre de Berlin.

“La plupart des Russes ici ont une vision beaucoup plus critique du conflit et ont tendance à être beaucoup plus occidentalisés que les Russes en Russie”, a-t-il déclaré.

Cependant, “plus la guerre se prolonge, plus le risque est grand que d’autres crimes soient commis dans ce contexte en Allemagne”, selon Toepfer.

Plusieurs autres manifestations pro-russes ont été prévues pour dimanche en Allemagne, suscitant la condamnation d’organisations russes. “Nous ne tolérerons pas que quelques cas de discrimination servent de couverture à des événements de propagande pro-Poutine”, a averti l’IDRH, une société pour les personnes d’origine russe dans l’État de Hesse.