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EXPLIQUÉ : A quoi rime le référendum suisse sur l’expérimentation animale ?

Un chercheur tient un rat utilisé pour des tests médicaux en Suisse. Les Suisses vont se rendre aux urnes pour discuter de l'interdiction des tests médicaux. Fabrice COFFRINI / AFP

Un chercheur tient un rat utilisé pour des tests médicaux en Suisse. Les Suisses se rendront aux urnes pour discuter de l’interdiction des tests médicaux. Fabrice COFFRINI / AFP

Les opinions suggèrent que la proposition des défenseurs des animaux a très peu de chances de passer.

Mais si elle était adoptée, “la Suisse serait le seul pays au monde à avoir une telle interdiction”, a déclaré Yves Fluckiger, président du groupe de pression des universités suisses.

Les chercheurs insistent sur le fait que le progrès médical est impossible sans expérimentation.

A l’Université de Genève, Patrycja Nowak-Sliwinska, responsable du laboratoire de pharmacologie moléculaire, dévoile son incubateur cellulaire où sont cultivés des organoïdes intestinaux provenant de patients atteints de cancer.

Ces structures, constituées de cellules, permettent de tester un grand nombre de traitements potentiels.

“Avec le modèle in vitro, nous essayons de trouver des candidats prometteurs” – et seuls ces derniers seraient ensuite testés sur des animaux, a déclaré Nowak-Sliwinska, qui a reçu un prix récompensant les chercheurs qui travaillent à remplacer les animaux par d’autres méthodes.

Mais même elle a déclaré qu’il serait impossible d’effectuer toutes les recherches sans expérimentation animale et sans essais cliniques.

C’est pourquoi la Faculté de médecine de l’université dispose d’une animalerie au sous-sol abritant quelque 25 000 animaux – principalement des souris et des rats.

Des protocoles stricts

A l’intérieur, le professeur Doron Merkler mène des recherches pour trouver un traitement contre une forme de sclérose en plaques.

La recherche ne pourrait pas avancer sans utiliser des souris, dans lesquelles il injecte des cellules modifiées pour observer comment la maladie affecte le système nerveux.

La souris sur laquelle il travaille présente des symptômes : instabilité, difficulté à bouger et paralysie partielle des membres.

Les expériences sont encadrées par un protocole strict quant à leur degré de gravité, et les soigneurs sont formés pour détecter quand un animal ne va pas bien.

“Si aucun soin vétérinaire ne peut être apporté à l’animal, nous pouvons décider avec le chercheur de le sacrifier”, explique Pierre Bonnaventure, responsable des animaleries de la faculté.

En Suisse, les chercheurs qui souhaitent utiliser des animaux vivants doivent faire une demande formelle, établir qu’il n’y a pas d’autre méthode disponible et que les conditions imposées aux animaux seront aussi légères que possible.

Le nombre d’animaux utilisés a donc fortement diminué, passant de près de deux millions par an au début des années 1980 à environ 560’000.

Quelque 20 000 animaux par an subissent des interventions sévères, comme l’implantation d’une tumeur, selon les autorités fédérales.

La proposition va trop loin

Dans le cadre du système suisse de démocratie directe, les militants ont recueilli suffisamment de signatures pour déclencher un vote populaire.

La proposition rendrait illégales les expériences non seulement sur les animaux mais aussi sur les humains, et interdirait l’importation de nouveaux médicaments développés par ce biais.

“Les expériences sur les animaux devraient être considérées comme un crime”, a déclaré à l’AFP Renato Werndli, un médecin parmi ceux qui ont lancé l’initiative.

Tous les grands partis politiques suisses sont contre la proposition.

Pour le gouvernement, l’interdiction “va trop loin” et aurait “de graves conséquences pour la santé” – mais aussi pour l’économie, dans un pays où le secteur chimique et pharmaceutique représente un peu plus de la moitié des exportations.

Interpharma, le groupe de pression de l’industrie pharmaceutique suisse, a averti qu’en cas d’interdiction, “les institutions et les entreprises concernées seraient contraintes de délocaliser leurs activités à l’étranger”.

La Suisse a déjà rejeté trois initiatives sur le sujet – en 1985 (70 %), 1992 (56 %) et 1993 (72 %) – et devrait faire de même cette fois-ci.

Mais il reste à voir si la majorité sera aussi importante, dans une société où le bien-être des animaux a pris de l’importance.

Pour Samia Hurst, bioéthicienne à l’Université de Genève, la nouvelle initiative commet “une erreur assez fréquente, qui est de cibler la recherche biomédicale”.

Cependant, elle a déclaré à l’AFP : “L’expérimentation animale, parmi les diverses utilisations que l’humanité fait des autres espèces, est à la fois la plus surveillée et sans doute la plus justifiée.”

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