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Suisse

OPINION: Les militants anti-avortement en Suisse ne font que poser avec le dernier mouvement creux

Militants pro-vie à Paris, France. Les militants anti-avortement font pression pour des règles plus strictes en matière de santé reproductive en Suisse via un référendum. Photo : STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP

Militants pro-vie à Paris, France. Les militants anti-avortement font pression pour des règles plus strictes en matière de santé reproductive en Suisse via un référendum. Photo : STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP

C’est de la pure gesticulation de militants anti-avortement. Il est évident qu’ils ne peuvent pas gagner le vote populaire – la dernière fois qu’il y a eu un vote sur l’avortement en 2014, 80% ont voté pour laisser le régime actuel inchangé – mais les militants suisses veulent toujours rappeler au public leur dissidence.

S’ils blessent des femmes en cours de route, c’est peut-être un dommage collatéral acceptable pour eux. Ou peut-être que c’est tout l’intérêt. Les initiatives ont été lancées ensemble en décembre 2021 et la date limite de collecte des signatures est en juin 2023.

Tout ce que ces militants réussissent à faire de l’avortement à l’ordre du jour public accumule un stress et une culpabilité supplémentaires sur les femmes qui traversent un dilemme personnel, parfois déchirant, en matière de soins de santé. La raison en est peut-être que cette pression supplémentaire aurait un effet dissuasif.

La Suisse a été l’un des premiers pays européens à légiférer sur l’avortement en 1937, autorisant l’avortement lorsque la santé de la femme était en danger. Les cantons étaient libres de décider de la stricte interprétation de la loi, ce qui a conduit à une mosaïque de services d’avortement à travers le pays.

Les femmes ont fini par devoir voyager à l’intérieur du pays pour accéder à l’avortement jusqu’en 2002, lorsque les électeurs ont accepté la nouvelle loi sur l’avortement autorisant un accès illimité à l’avortement au cours des 12 premières semaines de grossesse. La loi a fixé des conditions pour les avortements après ce point.

La première des deux initiatives est la ‘Sauver des bébés viables‘ campagne pour stopper les avortements tardifs à moins que la vie de la mère ne soit en danger. Cela s’appliquerait aux grossesses à partir de 22 semaines de gestation où le fœtus pourrait potentiellement survivre en dehors de l’utérus avec un soutien médical.

Le deuxième est le benoîtement nommé ‘Dormir dessus‘, visant à imposer une période d’attente d’un jour avant de permettre aux femmes et aux filles d’accéder à un traitement d’avortement. Les deux séries de signatures sont rassemblées « pour des raisons de synergie ».

Trois parlementaires de l’UDC sont à l’origine des campagnes, dont deux femmes, Andrea Geissbühler et Yvette Estermann. Ils n’ont abouti nulle part au parlement avec des propositions similaires, c’est pourquoi ils les présentent au peuple. Aucun parti politique ne soutient aucune de ces initiatives.

Sur un total de quelque 11’000 interruptions de grossesse pratiquées chaque année en Suisse, environ 95 pour cent sont pratiquées avant la 12e semaine dans le respect de la réglementation dite des délais.

Seule une très faible proportion de toutes les interruptions de grossesse ont lieu à un stade avancé de la grossesse. Quelque 150 interruptions de grossesse par an sont pratiquées après la 17e semaine de grossesse. La campagne “Sauver des bébés viables” cible les grossesses interrompues à partir de 22 semaines de gestation. Il y a environ 40 cas de ce genre par an.

Juste pour être clair, la campagne veut que tout le pays vote sur le sort de 40 femmes par an traversant une terrible crise personnelle avec leurs familles en détresse.

La Commission consultative nationale suisse d’éthique biomédicale a publié un avis sur la pratique des interruptions tardives de grossesse en 2018. Voici ce qu’ils avaient à dire sur ces 40 cas annuels.

« Les raisons et les circonstances qui sous-tendent l’interruption de grossesse avancée sont nombreuses et variées. Presque toujours, les femmes concernées se retrouvent dans une situation indépendante de leur volonté, posant un dilemme moral. La nécessité d’une décision et ses conséquences peuvent avoir un impact durable sur les femmes et leurs familles. En conséquence, le premier principe éthique est que toutes les options doivent être envisagées conjointement, avec un soutien empathique et attentif aux personnes concernées.

Ces options comprennent ce qu’on appelle l’accouchement palliatif pour les bébés atteints de maladies graves qui mourront à la naissance ou peu de temps après.

Devinez quoi, collecter des signatures pendant 18 mois pour une initiative populaire interdisant les avortements tardifs est le contraire d’un soutien empathique. Cela exacerbe les souffrances encourues. Mais c’est un état d’esprit où rien n’est plus important que la vie du fœtus, encore moins la souffrance des parents.

Le nombre d’avortements pratiqués à un stade avancé de la grossesse est resté pratiquement inchangé au cours des dix dernières années. Quarante sur 11 000, ce n’est pas beaucoup, mais le fait que ces situations surviennent chaque année représente une triste réalité.

Pendant ce temps, l’initiative «Sleep on it» vise à introduire une attente d’un jour entre le contact avec un médecin et la réception du traitement. Dans les trois quarts des cas, cela signifie une prescription de pilules abortives.

L’attente d’un jour semble être une demande fallacieuse et creuse. Il est normal de réfléchir avant d’aller chez le médecin pour toute intervention. Je n’ai aucun doute que lorsqu’une femme demande à un médecin de se faire avorter, elle y a déjà pensé – pendant des jours, voire des semaines. Elle n’a pas besoin de passer une nuit blanche supplémentaire pour satisfaire qui que ce soit.

Nous savons que le meilleur moyen de réduire le nombre d’avortements est soit de réduire le nombre de grossesses non désirées – par le biais d’informations et de services – soit d’améliorer de manière significative la situation matérielle des femmes, par exemple le revenu, le logement, la sécurité ou la sécurité de l’emploi. Ces facteurs contribuent déjà à Le faible taux d’avortement en Suisse.

Mais les militants anti-avortement se concentrent sur l’outil le moins efficace : interdire l’avortement ou en rendre l’accès difficile.

En tant que citoyenne irlandaise née dans les années 1970, j’ai atteint l’âge adulte dans un pays qui a inscrit le droit à la vie de l’enfant à naître dans la constitution en 1983, ce que cherche à faire l’initiative “Save viable babies”. Cette interdiction constitutionnelle a fait des ravages terribles sur les femmes et les filles irlandaises pendant 35 ans jusqu’à ce qu’elle soit abrogée.

Cette interdiction constitutionnelle a affecté non seulement les services d’avortement mais aussi les soins maternels en Irlande, avec des souffrances et des risques inutiles imposés aux femmes faisant une fausse couche par des médecins craignant d’enfreindre la loi, comme on le voit maintenant en Pologne.

Ce que nous savons de l’avortement en Suisse, c’est qu’il est sûr, légal et rare. Dans un monde imparfait, c’est aussi bon que possible, quoi qu’en disent les puristes.

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