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Allemagne

L’Allemagne va fermer des réacteurs nucléaires malgré la crise énergétique

L’Allemagne fermera trois centrales nucléaires vendredi, alors que l’Europe est confrontée à l’une des pires crises énergétiques de son histoire, conformément au calendrier d’Angela Merkel pour l’abandon progressif de l’énergie atomique.

Avec des prix de l’énergie déjà en hausse et des tensions plus fortes que jamais entre l’Europe et le principal fournisseur de gaz, la Russie, la fermeture des centrales de Brokdorf, Grohnde et Gundremmingen pourrait bien resserrer l’étau.

Cette décision réduira de moitié la capacité nucléaire restante en Allemagne et diminuera la production d’énergie d’environ quatre gigawatts, soit l’équivalent de la puissance produite par 1 000 éoliennes.

Les protestations suscitées par le projet en 2011 ont incité l’ancienne chancelière Merkel à mettre en route le projet il y a un peu plus de 10 ans.

L’Allemagne prévoit d’arrêter complètement l’énergie atomique d’ici la fin de 2022, date à laquelle elle fermera ses trois dernières centrales à Neckarwestheim, Essenbach et Emsland.

Mais avec la flambée des prix de l’énergie dans toute l’Europe, le moment où ces plans se concrétisent pourrait difficilement être plus mal choisi.

Le prix de référence du gaz en Europe, le TTF néerlandais, a atteint 187,78 euros par mégawattheure en décembre – soit 10 fois plus qu’au début de l’année – et les prix de l’électricité s’envolent également.

Cette flambée a été alimentée par les tensions géopolitiques avec la Russie, qui fournit un tiers du gaz européen.

Les pays occidentaux accusent la Russie de limiter ses livraisons de gaz pour faire pression sur l’Europe, dans un contexte de tensions sur le marché intérieur.

Moscou veut également faire passer le gazoduc controversé Nord Stream 2, qui doit acheminer encore plus de gaz russe vers l’Allemagne.

Hausse des prix
Selon Sebastian Herold, professeur de politique énergétique à l’université des sciences appliquées de Darmstadt, la fin de l’énergie nucléaire en Allemagne va probablement faire grimper les prix encore davantage.

“A long terme, on espère qu’une augmentation des énergies renouvelables équilibrera les choses, mais ce ne sera pas le cas à court terme”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Jusqu’à ce que l’Allemagne puisse réellement augmenter les énergies renouvelables, elle restera dépendante des combustibles fossiles pour combler le vide laissé par la sortie du nucléaire.

“Cela rendra l’Allemagne plus dépendante du gaz naturel dans l’ensemble, du moins à court terme, et donc aussi un peu plus dépendante de la Russie”, a déclaré Herold.

La transition pourrait également prendre plus de temps que l’Allemagne ne le souhaite, les progrès en matière d’énergies renouvelables ayant été ralentis ces dernières années par l’opposition aux projets d’infrastructures énergétiques.

La proportion d’énergie générée par les énergies renouvelables devrait baisser en 2021 pour la première fois depuis 1997 – à 42 %, contre 45,3 % en 2020.

En plus d’entraîner une hausse des prix, les fermetures de centrales nucléaires supprimeront une source essentielle d’énergie à faible teneur en carbone dans un pays qui a déjà du mal à atteindre des objectifs climatiques ambitieux.

Le nouveau gouvernement de coalition dirigé par le social-démocrate Olaf Scholz s’est engagé à atteindre l’objectif de 2030 et souhaite que l’Allemagne produise 80 % de son électricité à partir de sources renouvelables d’ici la même année.

Une seconde chance ?
Mais Robert Habeck, co-leader du parti des Verts et chef d’un super-ministère nouvellement créé pour l’économie et le climat, a admis cette semaine que l’Allemagne est déjà en passe de manquer ses objectifs climatiques pour 2022 et probablement aussi pour 2023.

D’autres pays de l’UE, dont la France, continuent de promouvoir l’énergie nucléaire et font campagne pour qu’elle soit incluse dans la liste de l’UE des sources d’énergie durables éligibles à l’investissement.

Même en Allemagne, l’opinion publique envers le nucléaire semble s’adoucir.

Dans un récent sondage YouGov pour le journal Welt am Sonntag, environ 50 % des Allemands se sont déclarés favorables à l’annulation de l’arrêt prévu du nucléaire en raison de la forte hausse récente des prix de l’énergie.

Monika Schnitzer, membre du Conseil allemand des experts économiques, a déclaré au journal Rheinische Post qu’il serait judicieux “économiquement et écologiquement” de retarder la fermeture.

Mais le gouvernement s’en tient au plan de Merkel, et Habeck a défendu cette semaine l’arrêt du nucléaire.

Tout politicien appelant à la réintroduction de l’énergie nucléaire “devrait également dire, j’aimerais avoir les déchets nucléaires dans ma circonscription”, a-t-il déclaré. “Dès que quelqu’un dira cela, je réexaminerai la question”.

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