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Suède

INTERVIEW : L’UE défendrait-elle la Suède si elle était attaquée ?

Björn Fägersten, chercheur principal et directeur du programme Europe de l'UI.

Björn Fägersten, chercheur principal et directeur du programme Europe de l’UI. Photo : Claudio Bresciani / TT

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a relancé le débat de longue date de la Suède sur sa propre défense, et en particulier sur son éventuelle adhésion à l’OTAN. La Première ministre Magdalena Andersson a rejeté l’adhésion à l’alliance transatlantique, mais a écrit aux dirigeants de l’UE ainsi qu’à son homologue finlandais pour leur rappeler la clause de défense mutuelle du bloc, qui stipule que les États membres se viendront en aide « par tous les moyens possibles » si l’un d’eux est attaqué.

La Suède et la Finlande sont des partenaires proches de l’OTAN, mais en tant que non-membres, elles ne peuvent pas compter sur l’intervention militaire de l’OTAN en cas d’attaque, car elles ne sont pas couvertes par la garantie de l’article 5 de l’alliance. Andersson a exclu cette semaine de rejoindre l’OTAN, affirmant qu’une candidature à l’adhésion “déstabiliserait encore plus cette partie de l’Europe”.

Mais la clause de défense mutuelle de l’UE offre-t-elle vraiment à la Suède une garantie solide ? Björn Fägersten, responsable du programme Europe à l’Institut suédois des affaires internationales, affirme qu’il existe des différences essentielles entre les garanties de l’UE et celles de l’OTAN.

The Local : La clause de défense mutuelle de l’UE a-t-elle un effet similaire à l’article 5 de l’OTAN ?

Björn Fägersten : D’un point de vue purement juridique, ils sont équivalents – à certains égards, l’UE est un peu plus pointue. Mais d’un autre côté, la clause de l’UE a une sous-clause qui précise qu’elle n’affecte pas les choix individuels des États membres en matière de politique de sécurité, par exemple pour les pays qui sont neutres.

Une différence clé entre l’UE et l’OTAN est que l’UE n’a pas de véritable appareil. L’Otan a un quartier général militaire commun, le SHAPE, mais l’UE n’a pas d’équivalent.

Au sein de l’UE, on s’attend également à ce que l’OTAN soit au centre de la planification européenne – la plupart des pays de l’UE en sont membres. Dans la stratégie globale de l’UE de 2016, il est clairement indiqué que l’OTAN est la pierre angulaire de la défense de l’UE.

TL : Quel est donc l’intérêt de cette clause ?

BF : Il y a plusieurs choses : par exemple, il pourrait être utilisé dans des scénarios où l’article 5 serait moins pertinent, comme des cyber-attaques ou des attaques hybrides, ou si deux pays de l’OTAN se retrouvaient en conflit, comme la Grèce ou la Turquie. Et cela couvre également des pays comme la Suède et la Finlande qui ne font pas partie de l’OTAN.

TL : Quelle sorte de coordination militaire l’UE a-t-elle ?

BF : L’UE a une organisation de planification militaire embryonnaire, mais son but est surtout de coordonner de petites missions hors d’Europe. Mais clairement dans un scénario futur, par exemple s’il y avait un sentiment que le soutien américain n’allait pas être là, il pourrait être utilisé pour la défense européenne.

La Finlande milite depuis longtemps pour que la clause de défense mutuelle ait plus de sens, tout comme la France, pour qui cela rejoint l’objectif d’une « autonomie stratégique » de l’UE.

TL : Actuellement, la puissance militaire la plus importante de l’UE est la France, mais jusqu’à présent, les déclarations les plus fortes en faveur de la défense de la Suède et de la Finlande sont venues des États-Unis et du Royaume-Uni. Qu’est-ce que cela nous dit ?

BF : C’est vraiment un effet de ce qui est devenu connu sous le nom de Doctrine Hultqvist [after Sweden’s defence minister Peter Hultqvist], selon lequel la Suède établira autant de sécurité que possible grâce à une coopération avec les États-Unis et, dans une certaine mesure, avec le Royaume-Uni. La Suède a également établi une coopération très étroite avec les deux dans le domaine de la fabrication d’armes. Mais bien sûr, ce n’est pas simple : la Suède se retrouve tirée dans deux directions alors que l’UE veut aussi construire sa propre coopération en matière de défense. Nous avons eu une orientation très transatlantique et avons été une exception au sein de l’UE avec le Royaume-Uni, mais après le Brexit, nous nous sommes déplacés vers le courant dominant de l’UE.

TL : En ce qui concerne l’avenir, de nombreux membres de l’UE, notamment Macron, parlent depuis longtemps de la nécessité d’une autonomie stratégique, où l’Europe adoptera une ligne de défense plus indépendante vis-à-vis des États-Unis. La semaine dernière, l’Allemagne a annoncé une énorme augmentation des dépenses de défense. Comment cela changera-t-il l’équation pour la Suède ?

BF : Si à long terme l’Europe commence à assumer une plus grande responsabilité tandis que les États-Unis assument la responsabilité principale de la gestion de la Chine, cela changerait le calcul de la Suède. La Suède aimerait qu’il y ait un intérêt américain pour sa sécurité, mais si, par exemple, un nouveau président élu aux États-Unis en 2024 avait une approche plus douteuse de la sécurité européenne, la Suède serait obligée de réévaluer rapidement sa stratégie de défense.

TL : La Suède a un protocole d’accord avec l’OTAN (le « värdlandsavtal »), en vertu duquel la Suède peut accueillir des forces de l’OTAN engagées dans des opérations dans la région. Cela confère-t-il à la Suède un degré de protection?

BF : Cela donne la possibilité d’une coopération, ce qui pourrait donner une certaine sécurité, mais ce n’est pas une garantie. Nous sommes aussi près que possible d’être membres de l’OTAN, mais nous n’avons aucune garantie de sécurité.

Il y a une grande différence entre cela et une doctrine de neutralité traditionnelle : la politique suédoise signifie que nous sommes clairement perçus comme faisant partie de l’Occident, à la fois politiquement et militairement, donc c’est un risque. Mais le [ruling] Les sociaux-démocrates disent que ce serait un risque de décider de rejoindre l’OTAN et de créer ainsi de l’incertitude.

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