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Espagne

L’impasse Algérie-Maroc menace l’approvisionnement en gaz de l’Espagne

L’Algérie pompe d’énormes volumes de gaz vers l’Europe via le Maroc, mais Alger et Rabat sont en désaccord alors que l’accord sur le gazoduc arrive à expiration, et les experts estiment que les robinets pourraient bientôt être fermés.

Cela affecterait l’approvisionnement en gaz de l’Espagne au moment où les prix montent en flèche en Europe et à l’approche de l’hiver. Le ministre des Affaires étrangères Jose Manuel Albares devait se rendre en Algérie jeudi pour discuter de cette question, a indiqué son bureau à l’AFP.

L’Algérie, le plus grand exportateur de gaz naturel d’Afrique, utilise depuis 1996 le gazoduc Gaz-Maghreb-Europe (GME) pour livrer plusieurs milliards de mètres cubes (bcm) par an à l’Espagne et au Portugal.

Mais le contrat GME doit expirer à la fin du mois d’octobre – un peu plus de deux mois après qu’Alger ait rompu ses relations diplomatiques avec Rabat en raison d'”actions hostiles”.

En août, le ministre de l’énergie Mohamed Arkab a déclaré à l’ambassadeur espagnol Fernando Moran que l’Algérie était prête à livrer toutes ses exportations de gaz vers l’Espagne par un autre gazoduc sous-marin, contournant le Maroc.

“Un accord pour poursuivre l’accord GME avant le 31 octobre est très peu probable”, a déclaré à l’AFP Geoff Porter, expert en géopolitique du Maghreb.

“Compte tenu de l’absence de canaux diplomatiques entre Rabat et Alger, il est difficile d’envisager une voie de négociation.”

Contrairement à leur frontière, fermée depuis 1994, le gazoduc GME est resté ouvert pendant un quart de siècle, malgré des crises à répétition.

Les deux parties en bénéficient. Le Maroc reçoit environ un bcm de gaz par an, dont la moitié est achetée et l’autre moitié est perçue sous forme de frais de transit en nature – d’une valeur d’environ 50 millions de dollars par an, selon un expert marocain en énergie qui a demandé à rester anonyme.

En retour, l’Algérie obtient un itinéraire rentable pour environ la moitié de ses exportations de gaz par gazoduc vers les marchés espagnols et portugais.

Pourtant, avec une autre dispute diplomatique qui éclate juste au moment où le contrat expire, un nouvel accord est loin d’être certain.

Arme économique

La dernière crise a suivi des mois de tensions, en partie à cause de la normalisation des liens du Maroc avec Israël en échange de la reconnaissance par Washington de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental.

Alger, qui a accueilli le mouvement indépendantiste du Polisario et soutenu la cause palestinienne, a accusé en août son voisin d'”actions hostiles”, notamment de complicité dans des incendies de forêt meurtriers, de soutien aux séparatistes de la région de Kabylie et d’utilisation du logiciel espion Pégase contre des fonctionnaires algériens.

Le Maroc a qualifié la démarche algérienne de “totalement injustifiée”, mais les experts estiment que l’Algérie souhaite frapper son rival là où ça fait mal – dans la poche.

“L’Algérie pourrait priver le Maroc des frais de transit, qui sont une source de revenus importante et stable, mais aussi de l’approvisionnement en gaz à un bon prix”, a déclaré Roger Carvalho, expert en énergie de l’Afrique du Nord.

Mais, a-t-il ajouté, “l’Algérie a des obligations (envers l’Espagne et le Portugal) et ne peut se priver des revenus internationaux de ces contrats. Elle doit donc trouver une autre voie de livraison”.

Des personnes marchent avec des sacs d'épicerie sous les lumières de Noël dans le centre de Madrid.

Les experts estiment que la brouille diplomatique pourrait entraîner une hausse significative de certains coûts quotidiens pour la population espagnole. Photo : OSCAR DEL POZO/ AFP

Recettes internationales

L’Algérie dispose de deux alternatives au GME, mais toutes deux présentent des lacunes.

Le gazoduc sous-marin Medgaz, qui transporte le gaz algérien directement vers les côtes espagnoles, fonctionne déjà près de sa pleine capacité de 8 milliards de m3 par an – environ la moitié des exportations totales de gaz algérien vers l’Espagne.

“Si les Algériens parviennent à livrer suffisamment de gaz via Medgaz, ils le feront probablement”, a déclaré M. Carvalho.

Mais alors que l’entreprise publique algérienne Sonatrach et son partenaire espagnol Naturgy ont promis d’augmenter la capacité de Medgaz à 10 milliards de m3 par an dans les mois à venir, cela reste bien en deçà du total nécessaire aux niveaux actuels.

La deuxième option est de liquéfier le gaz et de l’envoyer en Espagne par bateau.

Mais Porter dit que la courte distance signifie que cette option “n’a pas de sens financier”.

En conséquence, “l’Algérie va potentiellement perdre une partie des revenus des ventes à l’exportation de gaz afin de priver le Maroc de sa principale source (97%) de gaz naturel”, a-t-il déclaré à l’AFP.

L’expert marocain en énergie a déclaré à l’AFP que la fermeture du gazoduc ferait mal à l’Algérie mais n’aurait qu’un impact “marginal” sur le Maroc.

“Le GME est une opportunité pour les Algériens. S’ils la laissent passer, ce serait une décision irrationnelle et ils seraient les plus grands perdants”, a-t-il dit.

Selon M. Porter, cela pourrait obliger le Maroc, qui utilise le gaz GME pour produire environ 10 % de son électricité, à augmenter ses importations de charbon pour couvrir le déficit.

Les coûts vont augmenter

Rabat a déclaré vouloir maintenir le GME ouvert. Mais en dépit d’un accord conclu directement entre les entreprises qui gèrent le contrat, de nombreux analystes parient que les robinets seront fermés.

Matthew Cunningham, économiste au cabinet de conseil FocusEconomics basé à Barcelone, a déclaré que cela entraînerait des perturbations considérables de l’approvisionnement pour l’Espagne, qui a déjà été poussée à réduire les taxes sur l’électricité et à imposer des plafonds de prix alors que les factures de gaz s’envolent en Europe.

“Malgré cela, l’Espagne devrait être en mesure de satisfaire ses besoins énergétiques en se procurant du gaz naturel à différents endroits ou en utilisant d’autres sources d’énergie, même si les coûts vont augmenter de manière significative”, a-t-il déclaré.

Le ministère espagnol de l’Environnement a déclaré cette semaine à l’AFP que l’Algérie lui avait donné “les garanties nécessaires pour que les importations de gaz d’Algérie ne soient pas compromises malgré la crise actuelle”.

Mais Carvalho a prévenu qu’à long terme, la fermeture du GME pourrait pousser l’Espagne et le Portugal à diversifier leurs approvisionnements en dehors de l’Algérie.

“Utiliser les livraisons de gaz comme une arme économique n’est pas un bon calcul à long terme pour l’Algérie”, a déclaré Carvalho.

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