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Allemagne

Les usines au ralenti alimentent l’angoisse des Allemands face à la désindustrialisation

Les usines désaffectées alimentent la colère des Allemands face à la désindustrialisation

Un employé dans une aciérie. Photo : picture alliance / Christian Charisius/dpa Christian Charisius

La flambée des prix de l’énergie a obligé les exploitants à mettre partiellement l’usine à l’arrêt, renforçant ainsi les craintes que les entreprises industrielles allemandes, qui constituent l’épine dorsale de la plus grande économie d’Europe, soient confrontées à une menace existentielle.

L’Allemagne se prépare déjà à une récession alors que la crise énergétique déclenchée par la guerre de la Russie en Ukraine fait des ravages, et les dernières prévisions du gouvernement, mercredi, ne seront probablement pas réjouissantes.

Mais certains économistes affirment que l’impact à long terme pourrait être bien plus profond et voir des secteurs manufacturiers entiers réduire leur production ou délocaliser vers des pays où les coûts de fonctionnement sont moins élevés, ce qui remodèlerait fondamentalement le paysage industriel allemand.

À Hambourg, les 530 travailleurs de l’aciérie ArcelorMittal ont été placés en horaires réduits depuis début octobre.

“Le gaz joue un rôle crucial dans le processus de réduction (du minerai de fer)” effectué à l’usine, a déclaré Uwe Braun, PDG d’ArcelorMittal Hambourg.

Mais la facture énergétique a été “multipliée par sept” depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, a-t-il expliqué à l’AFP sur le site, où l’activité était contenue et où des ouvriers casqués étaient répartis autour de l’imposante aciérie des années 1970.

La forte augmentation des prix a rendu inabordable la poursuite des activités habituelles du site, qui consomme en moyenne deux térawattheures de gaz et un térawattheure d’électricité par an, soit suffisamment pour alimenter une ville de taille moyenne.

Des mesures similaires visant à réduire la production ont été prises sur d’autres sites européens exploités par ArcelorMittal, le plus grand sidérurgiste du continent.

Dans un communiqué de septembre annonçant les mesures de réduction des coûts, la société a mis en cause la hausse “exorbitante” des prix de l’énergie et la baisse de la demande due à l’assombrissement des perspectives économiques mondiales.

Cassé

Ces dernières décennies, l’Allemagne a réussi à éviter les vagues de désindustrialisation qui ont frappé d’autres pays européens.

La production industrielle reste un pilier de l’économie du pays et représente environ 22 % du produit intérieur brut (PIB), contre environ 13 % en France voisine.

“Le modèle économique de l’Allemagne, en résumé, consiste à acheter de l’énergie bon marché à la Russie, des matières premières et des produits intermédiaires… à fabriquer des voitures et des machines exceptionnelles… et à les exporter” vers les États-Unis et la Chine, a déclaré Jens-Oliver Niklasch, économiste à la banque LBBW.

“Maintenant, certaines des tuiles du toit sont cassées”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Aciérie ArcelorMittal Hambourg

Olaf Scholz (SPD) s’entretient avec le Dr Uwe Braun lors d’une visite de l’aciérie ArcelorMittal en 2021. Photo : picture alliance/dpa Jonas Walzberg

La sonnette d’alarme retentit dans tous les secteurs allemands gourmands en énergie, de la sidérurgie à la chimie, en passant par la production de verre, de papier et de céramique.

Le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a dévoilé un fonds pour l’énergie de 200 milliards d’euros (198 milliards de dollars) afin d’amortir l’impact des chocs de prix sur les ménages et les entreprises, y compris un plafonnement temporaire des prix du gaz à partir de l’année prochaine.

Malgré ces efforts, de nombreux experts s’accordent à dire qu’en raison de la rupture des liens avec les importations russes, il est peu probable que les prix de l’énergie en Europe reviennent de sitôt, voire jamais, à leur niveau bon marché d’avant-guerre.

“Nous verrons dans les mois à venir qui peut encore se permettre de fabriquer en Allemagne”, a récemment déclaré Arndt Kirchhoff, de l’équipementier automobile familial Kirchhoff, à l’hebdomadaire Der Spiegel.

L’Amérique fait signe

A l’extérieur de l’usine ArcelorMittal de Hambourg, un monticule de boulettes de minerai de fer est empilé, en attendant la reprise complète de l’aciérie.

Avant la crise, le site produisait un million de tonnes d’acier par an, principalement pour le secteur phare de l’automobile en Allemagne.

Si rien n’est fait pour réduire drastiquement les coûts énergétiques, “il est clair que certaines parties du processus de production seront délocalisées”, a déclaré M. Braun.

L’analyste Niklasch a déclaré qu’il n’était pas impensable que l’industrie allemande doive dire adieu à “ses branches les plus énergivores”.

Les États-Unis, où les prix du gaz restent bas grâce à une production nationale abondante, pourraient constituer une alternative intéressante, selon M. Niklasch.

Mais Stefan Kooths, de l’institut économique IfW Kiel, a déclaré qu’il ne s’attendait pas à un exode généralisé des entreprises industrielles d’Allemagne.

“Le prix du gaz devrait se stabiliser à moyen terme, même si le coût restera plus élevé qu’avant la crise”, a-t-il raisonné.

Par Florian Cazeres

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