La guerre en Ukraine relance le débat sur la conscription en Allemagne

La conscription a été introduite en Allemagne en 1956, les hommes de plus de 18 ans étant censés servir dans l’armée pendant un an, bien qu’ils puissent demander une exemption pour des raisons morales.

Cette pratique a été progressivement abandonnée et finalement supprimée en 2011 dans le cadre de mesures d’économie et conformément à l’approche traditionnellement prudente de l’Allemagne en matière de défense en raison de sa culpabilité d’après-guerre.

Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie la semaine dernière a entraîné un changement radical de l’approche de l’Allemagne vis-à-vis de ses forces armées, connues sous le nom de Bundeswehr, et a suscité de nouveaux appels en faveur d’une certaine forme de service militaire.

Wolfgang Hellmich, un politicien des sociaux-démocrates (SPD) de centre-gauche du chancelier Olaf Scholz, a appelé à un débat “urgent” sur la question dans une interview accordée au journal Rheinische Post mardi.

Le service militaire obligatoire contribuerait à “promouvoir l’esprit public”, a-t-il déclaré, appelant également à rendre les carrières dans la Bundeswehr plus attrayantes pour les jeunes.

Les dépenses de défense en hausse

Patrick Sensburg, président de l’Association des réservistes allemands, a demandé la réintroduction du service militaire dans un cadre général pour les hommes et les femmes.

Cela pourrait prendre la forme “d’une année au cours de laquelle les jeunes qui sont majeurs et ont terminé leurs études font quelque chose pour l’Etat et la communauté”, a-t-il déclaré au journal Rheinische Post.

Des voix du parti conservateur CDU, aujourd’hui dans l’opposition après 16 ans de pouvoir d’Angela Merkel, se sont également prononcées en faveur de la conscription.

Dans l’Etat de Basse-Saxe, des membres de la CDU ont rédigé un document appelant à la réintroduction du service militaire comme “un signal décisif pour assurer une dissuasion militaire efficace”, selon le journal Die Welt.

Le député CDU Carsten Linnemann a déclaré au quotidien Bild qu’il était en faveur “d’une année de service obligatoire pour les jeunes hommes et femmes après avoir terminé leur scolarité”.

Cela pourrait également prendre la forme d’une année de service dans le secteur des soins sociaux ou des services d’urgence, a-t-il déclaré.

“Cela renforcerait la résilience de notre société face aux crises” et favoriserait les compétences nécessaires en “ces temps difficiles persistants”, a-t-il déclaré.

Cependant, la réintroduction du service militaire nécessiterait un vote à la majorité des deux tiers au Bundestag, la chambre basse du Parlement, et tous les députés n’y sont pas favorables.

Déficits importants

Eva Högl, une sociale-démocrate et commissaire à la défense du Bundestag, a qualifié le débat de “discussion théorique qui n’aide pas dans la situation actuelle”.

Et Florian Hahn de la CSU, le parti frère bavarois de la CDU, a déclaré que l’Allemagne avait besoin de “technologie et de systèmes d’armes”, et pas seulement d’une augmentation des effectifs.

L’Allemagne n’a cessé de réduire la taille de son armée depuis la fin de la guerre froide, passant d’environ 500 000 hommes au moment de la réunification en 1990 à seulement 200 000 aujourd’hui.

Mais dans un discours historique prononcé dimanche, le chancelier social-démocrate (SPD) Olaf Scholz a déclaré que le monde entrait dans une “nouvelle ère”. Il a promis un investissement supplémentaire de 100 milliards d’euros (113 milliards de dollars) dans la Bundeswehr, chroniquement sous-financée, rien qu’en 2022.

Scholz a également radicalement modifié la position de l’Allemagne sur les exportations d’armes à la suite du conflit, et s’est engagé à consacrer plus de deux pour cent du PIB à la défense.

Selon Joachim Krause, professeur de sciences politiques à l’Université de Kiel, l’OTAN devra “revenir à une stratégie de dissuasion” à la suite de l’offensive russe en Ukraine.

L’Allemagne n’aura d’autre choix que de s’y plier, a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne de télévision Sat1, ce qui l’obligera à faire face à des “déficits importants” dans ses forces armées.

“Je pense que nous pourrions avoir à réintroduire la conscription”, a-t-il déclaré.

Par Femke COLBORNE