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Germany

La crise du gaz russe en Allemagne déclenche une course au charbon

Briquettes de charbon à Berlin

Des briquettes de charbon brun sont représentées dans le stockage de l’entreprise de produits de chauffage “Hans Engelke Energie” à Berlin. Photo : Carsten Koall/AFP

Une pénurie imminente de gaz russe à la suite de la guerre en Ukraine a ravivé l’enthousiasme pour cette méthode de chauffage des maisons privées malgré ses résidus de suie et sa forte empreinte carbone.

Engelke, 46 ans, directeur de l’entreprise centenaire berlinoise Hans Engelke Energie, déclare que cela a apporté une aubaine pour son entreprise familiale : “Mes vacances devront attendre.”

Lui et son équipe prennent frénétiquement les commandes, organisent les livraisons par camion – désormais réservées jusqu’en octobre, et préparent les fournitures pour ceux qui viennent directement chercher du charbon dans son entrepôt.

Par une chaude journée d’été, il pèse et emballe du charbon en vrac dans la poussière et le vacarme de sa machine de remplissage, puis arrange les sacs sur des palettes, en attendant les clients.

À Berlin, 5 à 6 000 foyers se chauffent encore au charbon, soit une fraction seulement des 1,9 million de foyers de la ville, selon les autorités municipales.

Les clients d’Engelke sont souvent des personnes âgées, parfois entièrement dépendantes du charbon et vivant dans des logements anciens qui n’ont jamais été rénovés.

D’autres sont amoureux de la chaleur “cosy” émanant de vieux poêles en céramique souvent ouvragés.

Mais cette année, de nouveaux clients sont arrivés “en masse”, explique Engelke, dont l’entreprise de taille moyenne s’est également diversifiée dans les granulés de bois et le fioul.

“Ceux qui chauffent au gaz mais qui ont encore un poêle à la maison veulent désormais tous avoir du charbon”, a-t-il dit, citant un phénomène observé dans toute l’Allemagne à l’approche de l’hiver.

“Mieux que d’avoir froid”

Jean Blum fait partie des nouveaux convertis.

L’homme de 55 ans aux cheveux ébouriffés et à la barbe blanche touffue charge des sacs de 25 kilogrammes (55 livres) remplis de précieuses briquettes noires dans sa remorque.

“J’achète du charbon pour la première fois depuis des années”, raconte-t-il à l’AFP.

Comme sa maison est équipée d’un chauffage au gaz, il allume parfois son poêle, mais uniquement au bois.

Hans Engelke Energie Berlin

Un ouvrier charge des briquettes de charbon dans le stockage de l’entreprise de produits de chauffage “Hans Engelke Energie” à Berlin. Photo : Carsten Koall/AFP

Avec la flambée des prix de l’essence, qui s’accentuera cet automne lorsque les opérateurs pourront répercuter sur le consommateur la hausse des prélèvements énergétiques, Blum veut s’assurer un filet de sécurité.

« Même si c’est mauvais pour la santé, c’est quand même mieux que d’avoir froid », dit-il.

Bien que les prix du charbon aient grimpé de 30 % cette saison, il reste moins cher que le bois, dont le prix a plus que doublé.

“Je m’inquiète quand je me demande s’il y aura assez de gaz pour tout le monde”, ajoute-t-il, notant que le président russe Vladimir Poutine a déjà partiellement fermé le robinet de gaz de l’Allemagne après que les pays occidentaux ont imposé de nouvelles sanctions à Moscou.

‘Renaissance’

Le carburant noir connaît un retour sur plusieurs fronts dans la première économie européenne.

Le gouvernement allemand avait déjà décidé d’augmenter l’utilisation des centrales électriques au charbon pour satisfaire les énormes appétits de plusieurs industries.

Cependant, Berlin insiste sur le fait qu’il tiendra son engagement d’éliminer progressivement cette source d’énergie très polluante d’ici 2030 et exclut une “renaissance des combustibles fossiles, en particulier du charbon”, comme l’a récemment promis le chancelier Olaf Scholz.

Mais avec de nouveaux clients privés qui sortent du bois, la production a du mal à suivre et de nombreux petits marchands de charbon de la capitale s’épuisent.

“Nous produisons à pleine capacité pendant l’été, avec trois équipes, sept jours sur sept”, a déclaré à l’AFP Thoralf Schirmer, porte-parole de LEAG, un site minier du bassin de la Lusace.

Hans Engelke Energie Berlin

Un ouvrier remplit des sacs de charbon avec une machine dans le stockage de l’entreprise de produits de chauffage “Hans Engelke Energie” à Berlin. Photo : Carsten Koall/AFP

L’entreprise approvisionne les magasins de bricolage et les vendeurs de carburant en briquettes de charbon.

La production a bondi de 40% depuis janvier, a-t-il dit, mais la demande est forte partout et la situation devrait rester tendue au moins jusqu’à cet hiver.

A la pression s’ajoute le fait que l’autre usine approvisionnant le marché en Allemagne, basée dans la vallée du Rhin, cessera sa production à la fin de l’année, réduisant l’offre.

“Je redoute un peu l’hiver”, admet Engelke, le vendeur de charbon.

Actuellement, les gens sont relativement détendus lorsqu’ils apprennent qu’ils devront attendre au moins deux mois avant d’être livrés, dit-il.

“Les choses seront radicalement différentes quand il commencera à faire froid dehors.”

Par Isabelle Le Page

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